Sur l’effondrement du toit de l’aéroport | Mauriweb

Sur l’effondrement du toit de l’aéroport

jeu, 16/11/2023 - 21:14

L’effondrement d’une partie du plafond de l’aéroport de Nouakchott survenu le 12 novembre dernier  ajoute une preuve  à la mal gouvernance délictuelle qui a caractérisé ce que quelqu’un a qualifié de Décennie perdue.

Voilà un marché dont on ne connait pas le coût dix ans après son achèvement, et encore moins le cahier de charges qui devait pourtant servir de base à l’exécution des travaux, et l’on est en droit de se demander comment le bureau de contrôle a pu faire son travail en l’absence de cet indispensable document de référence.

Le plafond a d’ailleurs déjà connu un incident similaire peu de temps après l’inauguration en juin 2016 de l’aéroport, incident qui avait causé l’inondation d’une partie de la salle d’enregistrement.

AFROPORT, chargé de la gestion de l’aéroport, a déclaré à l’occasion du dernier incident que la société a remarqué plusieurs défauts d’exécution des travaux.

L’utilité indéniable de cette infrastructure, qui est la réalisation phare de la décennie, brandie systématiquement par les soutiens de l’ancien Président,  doit toutefois être rapportée à son coût, dont l’évaluation requiert la mobilisation  d’experts de différentes spécialités : ingénieurs, experts fonciers, experts comptables…

Cependant, des éléments du coût sont connus : les 50 millions de dollars ‘prêtés’ par la SNIM, le prêt de 32 millions de dollars accordé à l’Etat par le FADES pour l’acquisition des équipements aéroportuaires (alors que le projet était censé être clé en main), sans compter les avenants et autres travaux connexes, attribués à l’entreprise chargée de l’exécution des travaux. En plus, plusieurs modifications ont été apportées à l’infrastructure pour accommoder l’entreprise : réduction de la hauteur de la tour de contrôle, réduction de l’espace parking…

Par ailleurs, l’entreprise n’a pas été pénalisée pour le retard de livraison de près de 4 ans, le prix du marché, base de calcul des pénalités, n’étant pas connu, puisque l’entreprise est rémunérée en nature, des terrains en l’occurrence,

 

 

 

Selon les experts dans le domaine, le projet aurait coûté près de 250 millions de dollars, hors du prix des terrains accordés en contrepartie à l’entreprise, alors que l’aéroport de Marrakech, qui traite 4 millions de passagers par an,  a coûté 150 millions de dollars (y compris la base aérienne).

 

Et ce n’est pas fini : le coût sera encore aggravé significativement par les charges de gestion et de maintenance en raison du dimensionnement du projet pour accueillir 2 millions de passagers, alors que ce nombre ne sera atteint qu’après plusieurs années. En plus, si on pousse l’analyse, en estimant les pertes d’opportunités que ces ressources surfacturées auraient permis de réaliser, le coût se chiffrerait à des centaines de millions de dollars.

Plus fondamentalement, le problème originel de ce projet est qu’on n’a pas eu recours à la concurrence pour son exécution, alors que cette procédure est adoptée par la quasi-totalité des états, pour l’acquisition des biens et services. Cette procédure permet en effet non seulement d’obtenir le juste prix, mais nécessite l’élaboration des documents de support définissent la nature exacte des travaux. L’absence de ce recours ouvre la voie à tous les déboires et permet tous les abus.

Même pour le choix du nom, celui du premier président du pays,  feu Moktar Ould Daddah, n’ayant pas été retenu contre toute attente, le recours au public pour la soumission de propositions aurait évité d’affubler l’aéroport du nom du lieu de l’escarmouche entre tribus.

D’aucuns ne pourront s’empêcher de voir dans cet incident dans le contexte du procès en cours de la Décennie, l’intervention de la Justice immanente pour démasquer un des exemples les plus criants des préjudices causés au pays lors de ce sombre chapitre de l’histoire de notre pays.

Malheureusement, il faudra s’attendre à la tombée d’autres masques et à l’effondrement d’autres mensonges.

Abou Abdellah,

 Le 16 novembre 2023