Exclusif : "Essada" dévoile les scénarios de l'interrogatoire de l'ex-président Aziz dans les prochains jours | Mauriweb

Exclusif : "Essada" dévoile les scénarios de l'interrogatoire de l'ex-président Aziz dans les prochains jours

dim, 28/06/2020 - 12:04

Le tabloïd "Essada" (Echos) tiré la semaine passée (du 22 au 27 juin 2020) a obtenu des informations corroborées par une source très proche de la commission d’enquête parlementaire.

La CEP est sur le point de parachever les séances d’audition des responsables visés par des dossiers suspectés de corruption, au cours de la décennie passée, sous la gouvernance de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz.

La commission a entendu jusqu'à présent un grand nombre de hauts fonctionnaires au cours de la décennie d'Ould Abdel Aziz, dont huit ministres et tous les Premiers ministres de cette période, ajoutent les sources précitées.

La commission d'enquête parlementaire est entièrement satisfaite de la non ingérence de l’Exécutif dans ses activités ainsi que de l’absence de toute pression exercée par l’Autorité, dans quelque sens que ce soit-il, soulignant qu’elle a pu mener sa mission dans les meilleures conditions, sans entraves, interférences ou orientations du pouvoir, en particulier de la Présidence.

La commission enregistre également - selon les sources susmentionnées- sa satisfaction quant à l'interaction de tous les auditionnés, affirmant n’avoir enregistré le refus d'aucun fonctionnaire de se présenter à ses audiences, à l'exception de l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, auquel, elle a adressé une lettre officielle depuis quelque temps, mais qui s'est excusé auprès d'elle de ne pas pouvoir y assister en raison de sa présence en dehors de la capitale Nouakchott dans sa ferme à Benichab, leur demandant de lui laisser le message officiel à l’entrée de son domicile dans la capitale, poursuivent les sources.

La commission a demandé alors au président du Parlement de mettre à sa disposition un véhicule afin de faire parvenir le courrier à sa résidence hors de Nouakchott à Benichab.

C’est dans ces conditions qu’il a été décidé d’élargir les investigations de la commission, dont la volonté d’approfondir et de déceler les secrets et les mystères des nouveaux dossiers et les personnes qui y sont impliquées, l’avait empêché de convoquer Ould Abdel Aziz, reportant ladite audition jusqu’à l’achèvement définitif de ses expertises.

La commission s’est concentrée alors sur l’audition de tous les fonctionnaires en rapport direct avec les dossiers, d'autant plus que le temps est très court et que le travail est considérable, sachant que l’accord donné par le parlement à l’élargissement des travaux de la commission et l’accroissement des dossiers n'avaient pas été accompagnés d’un prolongement de la période donnée à la commission pour remettre son rapport.

La commission s’est trouvée par conséquent face à un nombre très élevé de dossiers sensibles, qui appellent à engager une course contre la montre pour identifier ses labyrinthes et discerner les pratiques de corruption et de manipulation qui les caractérisent, tout en identifiant et détenant les preuves irréfutables et incontestées sur les responsables directs de chaque dossier.

Partant de cette logique, l'interrogatoire de l'ancien président, Ould Abdel Aziz, a été reporté, mais les sources précitées confirment qu'il sera contraint dans quelques jours, à répondre à la convocation de la commission et donc à se présenter devant ses limiers afin d’entendre ses témoignages, d'autant plus que les cadres interpelés le rendent pleinement responsable de bon nombre de dossiers et des irrégularités de corruption qui s'y rapportent, affirmant qu’il donnait ses instructions strictes d’exécuter son point de vue et ses ordres sans hésiter.

Une source informée au sein de la commission pense que les scénarios de la commission quant à la convocation de Ould Abdel Aziz se présentent comme suit :

Il accepte avec fair-play la convocation, se présente au siège de la commission, fait ses témoignages, refuse de collaborer ou pose des conditions.

Au cas où il accepte la convocation, des questions lui seront posées et ses réponses sur tous les dossiers dans lesquels il est indexé par ses hauts collaborateurs, ministres et directeurs d’ y être impliqués, seront enregistrées et portées, dans leur intégralité dans le rapport général, à l’Assemblée nationale, sans que toutes ses déclarations et nonobstant leur nature ne disculpent les ministres et gestionnaires, eu égard à leur statut de responsables directs de ces dossiers.

Dans le cas où l'ancien président Ould Abdel Aziz rejette la convocation adressée par la commission, cette dernière peut demander dans ce cas au pouvoir Exécutif de le présenter en faisant recours à la force, d'autant plus qu'il y a des cas similaires survenus par le passé sur insinuation de Ould Abdel Aziz lui-même, sur lesquels l'Autorité peut fonder la décision de le présenter de manière musclée, comme cela s’est produit avec Mme Khattou Mint El Boukhary, l'Epouse de l'ancien président, Sidi Ould Cheikh Abdallah, présentée manu militari pour être entendue sur ordre donné par Ould Abdel Aziz à la police.

Il y a un autre avis au sein de la commission selon lequel, au cas où Ould Abdel Aziz refuserait de venir ou poserait des conditions difficiles à satisfaire ou encore chercherait à jouer avec le temps restant de la mission de la commission, cette dernière se contenterait de noter dans son rapport, les nombreux et dangereux aveux faits par des ministres et des Premiers ministres sur l’implication de l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz dans les dossiers de corruption (avec la détermination précise de ces dossiers), que l'ancien président Ould Abdel Aziz n'a pas confirmé ou infirmé, eu égard à son refus de se présenter.

Les partisans de cet avis estiment qu’il s'agit du scénario le plus plausible et le moins fracassant pour la scène politique, même s’il constitue le scénario le plus risqué et le plus dispendieux sur les plans politique et juridique pour Ould Abdel Aziz, dés lors où il sera accusé par l’Autorité législative dans ce cas, de dossiers de corruption très graves auxquels s'ajoute l'accusation la plus lourde, qu’est le refus de collaborer et d’interagir avec la commission d'enquête parlementaire.

Les sources confirment que la commission parlementaire finalisera son rapport général à la mi-juillet prochain et qu’elle le soumettra à l’Assemblée nationale, tout en répondant à deux questions à savoir:

- Si la gestion des dossiers dont la commission a été chargée d’enquêter sur les faits est conforme aux normes et règles juridiques ou non et si elle a été préjudiciable ou non à l'intérêt de l'État mauritanien?

Selon les sources « Essada », le rapport de la commission réserve de grosses et graves surprises et peut jeter des personnalités influentes derrière les barreaux avec fort probablement à leur tête, l'ancien président, Ould Abdel Aziz, puisque des ministres ont révélé des informations compromettantes l'accusant de corruption et d'abus de pouvoir, même si ces charges n’innocentent pas les ministres, sauf en cas de présentation d’ordres écrits du président.

Le rapport peut également mettre Ould Abdel Aziz dans l’impasse d'une manière ou d'une autre, en particulier en s’obstinant à ne pas interagir positivement avec la commission d'enquête et en refusant de répondre à sa convocation afin de nier les accusations portées contre lui.

Et les sources de "Essada" d’ajouter que la commission avait collecté suffisamment de preuves pour condamner la majorité des ministres interrogés avec des preuves irréfutables, des aveux volontaires de corruption catastrophique et de manipulation gravissime estimées à des centaines de milliards d'ouguiyas.

La source affirme que la commission a clairement déterminé ; preuves à l’appui les personnes impliquées dans le détournement d’un montant de cent milliards ouguiyas anciennes qu’ils doivent restituer immédiatement au Trésor Public, en plus d'autres dossiers complexes et douteux.

Certaines auditions étaient difficiles et étaient caractérisées par des crises de nerfs et des confusions des personnes convoquées, au point que l’un des Chefs du gouvernement ait crié à l’endroit de la commission, disant : que voulez-vous de nous?" Voulez-vous nous détruire, nous jeter dans les prisons et nous faire porter les erreurs et les désastres d'Ould Abdel Aziz?

Cherchez-vous un bouc émissaire pour Ould Abdel Aziz? Est-ce votre mission?

L’un des membres de la commission lui répondit : nous voulons simplement entendre votre témoignage au sujet de certaines informations relatives aux dossiers dont vous aviez la gestion.

Le ministre interrogé hausse le ton et dit: «Allez chez Ould Abdel Aziz. Il est à l’aise dans sa ferme à Benichab. C’est lui le responsable de tout ce que vous soulevez, comme il y a des dossiers plus graves que ceux là, que vous n’avez pas abordés, et vous savez qu'aucun fonctionnaire ne peut refuser un ordre du président. C’est cela la nature des affaires dans notre région arabe et africaine. Plus précisément dans notre pays, il n'y a pas de voix qui dépasse la voix du président, et vous en êtes bien conscients. Ould Cheikh Sidiya peut-il aujourd’hui refuser ou désobéir aux ordres de Ould Ghazouani? Le président est celui qui ordonne dans notre pays depuis sa création et aucun ministre ne peut dire au président, « je n’exécuterai pas tes ordres avant de me les écrire officiellement, c'est impossible et vous le savez », a-t-il dit.

La source rapporte que la commission traitait de manière très flexible de tels cas où l’invité interrogé s’emporte et sent l’épuisement, l’étonnement, la confusion ou tient des propos désobligeants envers la commission, avec le plus souvent la levée de séance et sa reprise ultérieurement après la reprise de l’invité de sa lucidité.

Ce qui est sûr, c'est que les jours et les semaines à venir seront plus tendus sur la scène politique nationale, où Ould Abdel Aziz devra être convoqué dans quelques jours, et où la commission achèvera ses travaux au milieu du mois prochain.

Ce qui confirme la marche de la Mauritanie vers un hivernage chaud.

Est-ce le véritable début de la lutte contre la corruption dans le pays à travers les institutions constitutionnelles loin de la logique de règlement des comptes et de ciblage politique des opposants politiques?

Ou bien le rapport de la commission parlementaire butera-t-il à l’écueil des mentalités et des pratiques courantes, pour se perdre dans les couloirs obscurs des locaux de l'Assemblée nationale?

Seuls les jours et les semaines à venir révèleront la vérité incontesté.

Edité par Essada

Traduit de l'Arabe par Cridem

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