
Ce lundi, la Commission des Finances de l’Assemblée nationale a été saisie d’un projet de loi portant ratification d’une convention de consolidation des créances de la Banque centrale de Mauritanie (BCM) sur l’État. Présentée par le ministre délégué chargé du Budget, M. Codioro Moussa N’guenore, cette opération, habilement présentée comme un progrès en matière de gestion publique et de conformité comptable, relève davantage d’un habillage juridique que d’un réel assainissement budgétaire.
Derrière les chiffres — 16,2 milliards d’ouguiyas ramenés à 11,98 milliards à la faveur d’une « décote comptable » — se pose une question de fond : comment l’État a-t-il pu contracter une dette de cette ampleur auprès de sa propre banque centrale, théoriquement indépendante ? L’absence de toute transparence sur l’origine de ces créances laisse planer un doute profond sur leur légitimité. Ce projet de convention semble ainsi viser à légitimer a posteriori des engagements qui, jusqu’à présent, échappaient au contrôle parlementaire.
Le recours aux normes IFRS, bien qu’internationalement reconnues, produit ici une solvabilisation artificielle des comptes publics : la « décote » de plus de 4 milliards MRU n’est en réalité qu’un ajustement technique, sans incidence réelle sur les finances de l’État. Le procédé, typique d’une dérive technocratique, vise surtout à oblitérer les responsabilités politiques passées et à fournir une apparence de rigueur comptable propre à rassurer les bailleurs internationaux, notamment dans le cadre du programme de Facilité élargie de crédit conclu avec le FMI.
Plus encore, les modalités de remboursement s’appuient sur un montage hétéroclite, révélateur d’un État à court de leviers budgétaires : émission de bons du Trésor, conversion partielle d’une participation régionale, remboursement par tranches fixes... et surtout, valorisation d’un terrain administratif estimé à deux milliards d’ouguiyas. Si ce terrain n’est autre que la parcelle stratégique de la BCM située sur la place des blocs, nous serions face à un transfert patrimonial déguisé, mobilisé non pas dans l’intérêt du développement, mais pour éponger une dette au passé obscur.
Le raccourcissement de la durée de remboursement — de 40 à 13,75 ans — est quant à lui présenté comme une prouesse. Mais il pourrait tout aussi bien traduire une volonté de diluer la responsabilité politique en accélérant la disparition comptable d’un passif encombrant. Car en définitive, aucun débat de fond n’a eu lieu sur l’origine de ces dettes, ni sur la légalité des conventions conclues en 2018 et 2021.
Le silence du Parlement face à cette régularisation rétroactive est préoccupant. En se contentant de valider un processus déjà ficelé, il risque de n’être que la caution morale d’une opération de déconsolidation patrimoniale aux contours flous. Le contrôle parlementaire ne saurait se réduire à une formalité expéditive ; il exige rigueur, mémoire et responsabilité.
Cette convention, sous ses atours techniques, constitue moins une réforme qu’un procédé d’effacement sélectif, révélateur d’une gouvernance où les erreurs du passé sont maquillées plutôt qu’assumées. La transparence budgétaire ne peut être à géométrie variable. Et la modernisation des finances publiques ne saurait se faire au prix d’un silence complice.
B.C.