Banque centrale : un taux directeur à 6 %, une décision en décalage avec la réalité économique | Mauriweb

Banque centrale : un taux directeur à 6 %, une décision en décalage avec la réalité économique

dim, 17/08/2025 - 13:52

Le Conseil de politique monétaire de la Banque centrale de Mauritanie a décidé de maintenir le taux directeur à 6 %, avec un taux des facilités de prêt à 6,5 % et celui des dépôts à 2 %. Présentée comme une décision “responsable” visant à stabiliser l’économie, cette orientation illustre au contraire une soumission totale aux recettes prônées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

Des chiffres qui masquent la réalité

La Banque centrale se félicite de la baisse de l’inflation (de 3 % en 2024 à 1,3 % en 2025) et du “maintien des équilibres macroéconomiques”. Mais ces indicateurs n’ont de sens que pour les institutions de Bretton Woods et leurs tableaux Excel.
Dans les marchés, les prix des denrées alimentaires, du logement et du transport continuent de flamber. Les ménages paient au quotidien la dépendance aux importations et l’absence de protection sociale.

La fausse stabilité vantée par la BCM ne fait que servir le discours attendu par les bailleurs de fonds internationaux, qui exigent discipline budgétaire et orthodoxie monétaire, sans se soucier du coût social pour les Mauritaniens. Car pendant que le gouverneur parle de confiance, la réalité frappe : le taux de change de l’ouguiya face au dollar et à l’euro a battu tous les records, réduisant le pouvoir d’achat et renchérissant les importations. Une dévaluation qui ne dit pas son nom, masquée par des communiqués triomphants.

Une Banque centrale transformée en guichet des bailleurs

Depuis plusieurs années, la Banque centrale semble avoir renoncé à toute mission de régulation en faveur du développement national. Elle s’est muée en courroie de transmission des dogmes imposés de l’extérieur : rigueur monétaire, plafonnement du crédit, austérité sous toutes ses formes.
Résultat :

  • Les PME locales restent exclues de l’accès au financement.
  • Le crédit productif n’existe pas, quand le spéculatif prospère.
  • Le système bancaire demeure réservé à une élite proche du pouvoir, verrouillant toute inclusion financière.

Le scandale du microcrédit étouffé

Pire encore : la Banque centrale ferme les yeux sur le désastre du microcrédit en Mauritanie.
De nombreuses institutions, présentées naguère comme des leviers d’inclusion financière et soutenues par l’État, se sont effondrées dans le silence général. Résultat : des milliers de familles pauvres ont vu leurs maigres économies englouties.
Au lieu de protéger les épargnants et de tirer les leçons de ces faillites en cascade, la BCM a choisi le silence — un silence coupable, synonyme d’abandon des plus vulnérables.

Une orthodoxie économique contre le peuple

En maintenant son taux directeur à 6 %, la Banque centrale envoie un signal clair : ce n’est pas la population qu’elle protège, mais la confiance des bailleurs. Or, cette orthodoxie monétaire ne répond ni aux besoins d’investissement du pays, ni aux urgences sociales, ni à la nécessité de créer un tissu productif autonome.

À force de privilégier les équilibres macroéconomiques dictés de l’extérieur, la Mauritanie sacrifie sa souveraineté monétaire et financière. Elle perpétue un système où l’économie réelle est asphyxiée, et où les plus pauvres paient le prix fort : inflation subie, absence de crédit, faillite des dispositifs de microfinance.

 

La question n’est donc pas de savoir si le taux directeur est à 6 % ou à 5 %. Elle est bien plus fondamentale :

  • La Banque centrale doit-elle continuer à servir de bureau d’exécution des recettes du FMI et de la Banque mondiale ?
  • Ou doit-elle redevenir un outil de régulation au service des Mauritaniens, protégeant les épargnants, soutenant les producteurs locaux et facilitant l’accès des citoyens au crédit  et en maintenant les prix?

Tant que cette question restera sans réponse, chaque annonce de la BCM ne sera qu’une mise en scène technocratique, déconnectée des réalités, et complice d’un système où la pauvreté et la dépendance deviennent les seuls indicateurs réellement stables.