
Nouakchott a accueilli mardi le huitième congrès international du Forum des caisses de dépôt. Un événement prestigieux… mais paradoxal : la Mauritanie organise une rencontre destinée à célébrer l’excellence d’un modèle financier alors que sa propre Caisse de Dépôt et de Développement (CDD) traîne encore les séquelles d’une décennie où elle fut davantage une pompe à détournements qu’un outil de développement.
Une institution autrefois vidée de sa mission
Créée pour sécuriser l’épargne publique et soutenir les investissements stratégiques de l’État, la CDD a longtemps été l’un des réservoirs préférés de la décennie du pillage.
Sous couvert d’investissements publics, elle a servi de canal opaque pour financer des projets fictifs, garantir des opérations douteuses, et absorber des risques que le budget de l’État ne pouvait assumer au grand jour.
Résultat : Un déficit de confiance quasi total parmi les épargnants et les investisseurs institutionnels. Des fonds immobilisés ou volatilisés, dont la traçabilité demeure encore aujourd’hui lacunaire. Une institution qui, malgré les discours, n’a toujours pas acquis le rôle structurant qu’elle devrait jouer dans un pays en manque criant d’investissement productif.
Un congrès international, mais une crédibilité locale fragile
Le ministre des Affaires économiques a vanté l’engagement de la Mauritanie à moderniser son système financier. Mais comment parler de modernisation lorsque la CDD elle-même peine à définir : un modèle prudentiel clair, une gouvernance autonome, et un cadre d’audit indépendant, indispensable après les dérives de la décennie ?
L’accueil de ce congrès ressemble moins à une consécration qu’à une tentative de redorer une image ternie, alors qu’aucun bilan public détaillé n’a été présenté sur les pratiques du passé ni sur les réformes réellement mises en œuvre pour sécuriser les fonds publics.
La CDD, toujours un acteur mineur du marché financier
Dans son discours, le ministre a affirmé que la Caisse serait « l’un des principaux acteurs du marché financier émergent ». La réalité est toute autre. La CDD n’a ni la profondeur opérationnelle, ni l’expertise technique, ni encore la confiance institutionnelle nécessaires pour jouer ce rôle.
Pendant que d’autres pays du forum présentent des modèles robustes ayant stimulé l’épargne nationale, la CDD mauritanienne en est encore à tenter de reconstituer une crédibilité minimale, sans que les citoyens sachent ce qu’il reste réellement dans les caisses.
Des réformes annoncées… mais jamais évaluées
Le discours officiel évoque l’inclusion financière, la stabilité monétaire, la mobilisation de l’épargne des communautés à l’étranger. Cependant, aucun mécanisme clair n’a été présenté pour garantir que l’argent des épargnants ne sera plus exposé aux mêmes abus qu’hier.
Où sont : les audits indépendants ? les rapports publics sur les pertes subies ? les poursuites contre les responsables des détournements passés ?
Sans ces réponses, la CDD reste perçue comme une institution fragile, maintenue artificiellement en vitrine pour satisfaire aux exigences des partenaires internationaux, mais encore incapable d’être un levier réel du développement.
Un congrès de plus, mais un chantier toujours en friche
La conférence a pour ambition de « renforcer la transparence et la confiance des épargnants ».
Ironie : la transparence reste précisément la dimension qui fait défaut à la CDD.
Organiser un congrès international ne suffit pas à masquer le fait qu’elle n’a jamais complètement émergé du marasme administratif et financier dans lequel l’ont plongée les dérives passées.
En attendant, le forum se conclura par une passation de présidence symbolique entre la Mauritanie et le Bénin. Un geste protocolaire qui, pour beaucoup d’observateurs, contraste cruellement avec la réalité d’une institution mauritanienne qui peine toujours à remplir la première des missions d’une caisse de dépôt : protéger l’épargne des citoyens au lieu de la dilapider.

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