Mauritanie–FMI : Un accord de plus, des réformes de moins ? | Mauriweb

Mauritanie–FMI : Un accord de plus, des réformes de moins ?

sam, 10/05/2025 - 11:49

Par la Rédaction Économie – Le Quotidien de Nouakchott

Nouakchott, 10 mai 2025 – Une fois encore, la Mauritanie célèbre un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Ce 9 mai, les services du FMI et les autorités mauritaniennes ont annoncé être parvenus à un accord au niveau des services sur la quatrième revue du programme appuyé par le Mécanisme Élargi de Crédit (MEDC) et la Facilité Élargie de Crédit (FEC), ainsi que sur la troisième revue au titre de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD). Le total des décaissements attendus atteint environ 28,7 millions de dollars, portant le cumul à près de 148,4 millions de dollars depuis le début du programme.

Mais que signifient réellement ces accords pour les Mauritaniens ? Quelles avancées concrètes en ont résulté depuis le lancement de ces programmes il y a maintenant près de trois ans ? Et surtout, ces engagements répétés avec le FMI servent-ils les intérêts du pays ou ceux d’un cercle restreint de décideurs ?

Une croissance en trompe-l’œil

Avec une croissance annoncée de 5,2 % en 2024, supérieure aux prévisions initiales, les autorités se targuent d’une performance économique solide. Toutefois, cette embellie repose largement sur le secteur extractif, dont les recettes sont captives de la volatilité des marchés internationaux. Le FMI lui-même prévoit un ralentissement en 2025 à 4 %, dû à une contraction des activités minières, illustrant la fragilité structurelle de l’économie nationale.

Dans les rues de Nouakchott ou de Nouadhibou, cette croissance reste invisible pour l’écrasante majorité des citoyens. Les prix de l’eau, de l’électricité, du carburant et des denrées alimentaires ne cessent d’augmenter. Les jeunes peinent à trouver du travail. Les PME locales croulent sous les taxes et l’accès au crédit demeure un parcours du combattant.

Des milliards pour qui ?

Les décaissements du FMI sont toujours salués par les communiqués officiels comme une victoire pour la stabilité macroéconomique. Mais dans les faits, ces fonds profitent rarement à l’économie réelle. Les secteurs de la santé, de l’éducation ou de l’assainissement souffrent toujours de sous-financement chronique. Le « déficit primaire non extractif » que les autorités s'engagent à maintenir à 3,4 % du PIB semble plus une exigence comptable qu’un levier de justice sociale.

Par ailleurs, les conditions attachées à ces aides — rigueur budgétaire, réduction des subventions, libéralisation du taux de change — affectent directement les plus pauvres, sans mécanismes clairs de compensation. Le FMI appelle à renforcer les filets sociaux ciblés, mais la réalité, c’est qu’ils sont quasi inexistants ou mal exécutés.

Des réformes qui peinent à se concrétiser

Le FMI salue les progrès en matière de réformes : lois sur la Banque centrale, nouveau code des investissements, cadre de gouvernance... Mais il s’agit davantage d’une avalanche de textes que de transformations effectives. Plusieurs de ces textes attendent encore leurs décrets d’application. D’autres sont déjà en vigueur sans produire d’effet tangible.

La fameuse loi sur la déclaration du patrimoine, censée moraliser la vie publique, reste lettre morte faute de publication effective ou de mécanisme de vérification. Quant à l’autorité de lutte contre la corruption, évoquée depuis plus d’un an, elle n’a encore ni siège, ni budget, ni personnel. Et les grandes entreprises d’État continuent d’échapper à tout audit public, malgré les promesses.

Une politique climatique qui piétine

Sur le papier, le programme FRD soutient l’agenda climatique du gouvernement. La "contribution climat" est désormais inscrite au budget, un décret autorise l’accès des producteurs privés aux réseaux électriques, et un mécanisme automatique de tarification des carburants est envisagé. Mais dans un pays où moins de 45 % des zones rurales sont électrifiées, où les inondations périodiques détruisent les quartiers populaires sans réponse étatique structurée, ces annonces apparaissent comme hors-sol.

La mission a rappelé la nécessité de mesures compensatoires ciblées pour atténuer l’impact de la réforme des prix des carburants. Mais rien n’est dit sur la manière dont ces mesures seront financées ni exécutées.

Une coopération technique ou politique ?

Le FMI affirme avoir eu des discussions « fructueuses » avec le Président Ghazouani, le Premier ministre Mokhtar Ould Diay, les ministres concernés et divers acteurs du secteur privé et de la société civile. Mais les critiques internes sont rarement entendues dans ces cadres très protocolaires. Plusieurs organisations de la société civile, non conviées aux réunions, dénoncent une opacité des négociations, où les priorités sociales sont systématiquement reléguées au second plan.

Et demain ?

L’accord du 9 mai n’est qu’un épisode de plus dans la dépendance structurelle de la Mauritanie vis-à-vis des financements extérieurs. Sans réformes effectives, sans inclusion réelle des acteurs locaux, sans transparence dans l’allocation des ressources, le pays court le risque d’un essoufflement durable dAe sa souveraineté économique.

Les Mauritaniens attendent moins de communiqués optimistes et davantage de résultats concrets dans leur quotidien. Tant que les réformes resteront cosmétiques, la croissance restera hors-sol, et la pauvreté bien réelle.