Mauritanie–FMI : Un nouveau chèque de 50 millions de dollars… mais pour quel changement réel ? | Mauriweb

Mauritanie–FMI : Un nouveau chèque de 50 millions de dollars… mais pour quel changement réel ?

ven, 04/07/2025 - 12:43

  Le Fonds Monétaire International (FMI) vient de signer un nouveau décaissement de près de 50 millions de dollars en faveur de la Mauritanie, au titre des programmes de la Facilité Élargie de Crédit (FEC), du Mécanisme Élargi de Crédit (MEDC) et du Fonds pour la Résilience et la Durabilité (FRD). C'est la quatrième revue de ces programmes depuis 2023 et, une fois de plus, le pays récolte les félicitations de l'institution de Bretton Woods pour sa « résilience » et ses « progrès ».

Mais au-delà des discours et des chiffres, une question demeure : ces financements successifs, censés consolider l'économie nationale et amorcer une transformation structurelle, parviennent-ils réellement à améliorer la vie des Mauritaniens ?

Des indicateurs macroéconomiques flatteurs… mais une réalité sociale inchangée

Selon le FMI, la Mauritanie affiche une croissance de 5,2 % en 2024, appelée à atteindre 4 % en 2025. L’inflation est jugée sous contrôle, les réserves de change sont « confortables » et la dette publique tend à se stabiliser autour de 41 % du PIB. Des résultats qui séduisent les bailleurs de fonds et les partenaires techniques.

Pourtant, sur le terrain, ces performances macroéconomiques restent sans véritable impact sur les conditions de vie de la majorité des citoyens. La pauvreté, le chômage massif des jeunes, la cherté de la vie et la dégradation des services sociaux de base demeurent des réalités quotidiennes. Le contraste est frappant entre la rhétorique des institutions internationales et la détresse des ménages mauritaniens.

Des réformes cosmétiques ?

Le FMI salue l’adoption récente de lois anticorruption et les efforts de réforme monétaire. Mais en Mauritanie, ces réformes peinent à convaincre. De nombreuses voix dénoncent des mesures davantage motivées par la nécessité de satisfaire aux exigences des bailleurs que par une réelle volonté politique de transformation.

« On parle de lutte contre la corruption, mais les grandes affaires restent impunies, et les cercles du pouvoir continuent de concentrer les richesses et les privilèges », confie un économiste sous couvert d’anonymat.

De même, le secteur extractif – notamment l’or, le fer et les hydrocarbures – reste le moteur principal de l’économie, exposant le pays à la volatilité des marchés mondiaux. Les réformes destinées à diversifier l’économie, notamment par le développement de l’agriculture, des services et des industries locales, avancent au ralenti.

Une dette maîtrisée, mais à quel prix ?

Le FMI se félicite de la stabilisation de la dette publique, mais cette rigueur budgétaire s’accompagne de réductions des dépenses courantes, y compris dans des domaines stratégiques comme l’éducation, la santé et les infrastructures sociales. Le « respect du cadre budgétaire » risque ainsi de se faire au détriment des populations les plus vulnérables.

Une dépendance accrue aux financements extérieurs

La multiplication des décaissements – près de 166,5 millions de dollars en deux ans – traduit surtout la dépendance croissante de la Mauritanie aux financements extérieurs. Cette manne financière, loin d’être accompagnée de résultats tangibles pour les citoyens, alimente un cycle où la survie économique du pays semble suspendue aux signatures d’accords internationaux.

Quelles perspectives ?

Loin des bilans triomphalistes, il apparaît urgent que la Mauritanie opère un véritable sursaut en matière de gouvernance, de lutte contre la corruption et de justice sociale. Sans cela, les chiffres flatteurs risquent de rester ce qu’ils sont : des indicateurs macroéconomiques déconnectés d’une réalité marquée par les inégalités, la précarité et la marginalisation de larges pans de la population.

Les partenaires internationaux, quant à eux, gagneraient à adopter une posture plus exigeante, en liant les aides et financements à des engagements concrets et vérifiables en matière de gouvernance et de développement inclusif.