Conférence nationale de la jeunesse : l’éternel recyclage des promesses oubliées | Mauriweb

  Conférence nationale de la jeunesse : l’éternel recyclage des promesses oubliées

jeu, 17/07/2025 - 12:02

L’intention, reconnaissons-le, est louable. Le chef de l’État avait promis que “ce mandat serait celui de la jeunesse et avec la jeunesse”, et cette initiative semble vouloir en donner une première traduction concrète.

Ah, la jeunesse mauritanienne ! Cette énergie débordante, ces rêves étincelants, cette soif de changement… Que fait-on donc pour elle ? Rien de moins qu’une nouvelle grande Conférence nationale pour la jeunesse, messieurs dames ! Annoncée en fanfare par nul autre que le ministre du portefeuille extensible — Jeunesse, Emploi, Sports et Fonction publique, soit l’équivalent institutionnel d’un couteau suisse mal aiguisé.

Et accrochez-vous : le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani en personne honorera de sa présence ce “moment historique”. Car – tenez-vous bien – “ce mandat est pour la jeunesse et avec la jeunesse”. Une formule pleine de promesses, que l’on espère ne pas voir rejoindre le grand cimetière des slogans politiques.

Soyons justes : depuis son accession au pouvoir, le président Ghazouani a su adopter un style plus posé et plus respectueux des institutions que son prédécesseur. Il semble sincère dans sa volonté de rompre avec certaines pratiques du passé (même si parfois on a des doutes). Mais c’est justement là que le bât blesse : ce passé continue de hanter l’avenir des jeunes.

Souvenons-nous. Sous le régime d’Aziz, la jeunesse a été enrôlée, encadrée, utilisée comme décor de campagne ou comme accessoire de communication. On leur a promis l’emploi, l’insertion, l’écoute... avant de les renvoyer à leur chômage et à leur silence. On les habillait en uniforme pour la parade, on les plaçait dans les tribunes pour applaudir, rarement autour des tables où les décisions se prennent.

Cette nouvelle conférence s’annonce donc comme un remake d’un film que la jeunesse connaît par cœur : grandes intentions, jolis mots, et puis... plus rien. On nous parle d’un déploiement sur 63 moughataas, d’animations locales “dynamisantes” pour booster l’économie, et de cinq concours nationaux pour révéler les talents cachés : de la mini-entreprise à la performance culturelle. L’idée peut faire rêver. Mais rêver où ? Dans quel lieu ?

Car il faut bien le rappeler : depuis plus de 40 ans, aucun grand stade n’a été construit en Mauritanie. Aucune salle de spectacle nationale, aucun centre culturel digne de ce nom. Nos jeunes chanteurs, danseurs, basketteurs, slameurs ou comédiens doivent se contenter des trottoirs, des terrains vagues ou des hangars improvisés.

Et pendant ce temps, les discours officiels parlent d’inclusion, d’innovation, de participation politique… Où sont les infrastructures ? Où sont les investissements pérennes ? Où sont les moyens concrets qui accompagnent ces nobles ambitions ?

 

Le mérite de cette conférence, si elle se réalise sérieusement, sera peut-être de rassembler une jeunesse souvent marginalisée et fragmentée. Mais au-delà du rassemblement, elle attend des actes. Pas des prix symboliques, pas des médailles en plastique doré, mais des structures, du financement, de la formation, des perspectives.

Le président Ghazouani, à qui l’on reconnaît une volonté de dialogue et une certaine prudence républicaine, peut encore faire de cette initiative une rupture réelle avec le passé. Mais cela suppose de rompre aussi avec la logique de récupération politicienne, qui consiste à parler au nom de la jeunesse… sans jamais lui parler vraiment.

Une conférence, trois phases, cinq concours… et toujours aucun projet de construction de stade, aucune salle de spectacle, aucune université spécialisée dans les arts ou le numérique. On tourne en rond, mais cette fois avec des slogans un peu mieux emballés.

Oui, il faut écouter la jeunesse. Mais il faut surtout lui bâtir des espaces pour créer, débattre, innover, entreprendre. Car une jeunesse sans scène où s’exprimer, sans stade où s’entraîner, sans salle où rêver… finit par se taire, se fatiguer ou s’exiler.

Et ça, aucun selfie présidentiel ne pourra le compenser.