
Récemment, le Président de la République, M. Mohamed Cheikh El Ghazouani, a lancé un vibrant appel à l'élite mauritanienne et à tous les citoyens pour qu'ils valorisent le tourisme local en profitant d'un hivernage 2025 prometteur. Cet appel, qualifié d'historique par certains activistes, a été largement entendu et suivi, témoignant de l'adhésion populaire à une vision de développement national. Cependant, dans son sillage, un autre appel, tout aussi crucial, émane aujourd'hui des syndicats des travailleurs : une demande similaire du Chef de l'État, cette fois pour le respect strict de la législation du travail, un défi persistant dans le paysage économique mauritanien.
Valoriser le patrimoine touristique : Un appel suivi
Le premier appel présidentiel s'inscrit dans une stratégie de promotion du patrimoine naturel et culturel mauritanien. En incitant les nationaux à découvrir leur propre pays, le Président El Ghazouani cherche à stimuler l'économie locale, à créer des emplois dans le secteur des services et à renforcer un sentiment de fierté nationale. Le succès de cet appel démontre la capacité de mobilisation des Mauritaniens autour d'un projet collectif et positif. Cette dynamique est essentielle pour construire une image attractive du pays, aussi bien en interne qu'à l'international.
L'autre urgence nationale : Le respect des droits des travailleurs
Alors que la nation se mobilise pour le tourisme, les syndicats des masses laborieuses, toute obédience confondue, rappellent que le développement économique ne peut se faire au détriment de la justice sociale. Ils demandent un « appel similaire » du Président de la République, cette fois-ci, adressé aux opérateurs économiques pour le respect de la législation du travail, souvent bafouée.
En effet, la situation est devenue préoccupante. Au-delà du vaste secteur informel, caractérisé par des emplois précaires, une absence de déclaration à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) et des conditions de travail difficiles, même le secteur formel présente des lacunes. La formalisation de l'économie n'a pas suivi la croissance du secteur tertiaire, laissant de nombreux travailleurs sans protection adéquate.
Le cas éloquent de l'indemnité de départ à la retraite (IDR)
Le problème de la non-application du droit du travail est parfaitement illustré par le cas de l'Indemnité de Départ à la Retraite (IDR). L'article 31 de la Convention collective de travail stipule clairement que l'IDR doit être calculée sur la base de l'indemnité de licenciement, selon un barème progressif suivant:
-Plus d’un an et moins de 5 ans : 30 % de l'indemnité de licenciement ;
-Plus de 5 ans et moins de 10 ans : 50 % ;
-Plus de 10 ans et moins de 20 ans : 75 % ;
-Plus de 20 ans : 100 %.
Des entreprises modèles comme la SOMAGAZ, la CNSS, le Port Autonome de Nouakchott, la SNDE et la SAMIA, entre autres, respectent scrupuleusement cette règle. Cependant, d'autres, à l'image de la société nationale SNIM, la CNAM…adoptent une lecture restrictive et erronée de l'article 31 de la convention collective du travail.
Une application restrictive aux conséquences lourdes
La méthode de calcul contestée de la SNIM consiste à n'appliquer que le pourcentage de la dernière tranche d'ancienneté, sans cumuler les pourcentages des tranches inférieures. Cette pratique entraîne des pertes financières considérables pour les retraités :
-Ainsi, un employé avec 9 ans de service ne perçoit que 50%, au lieu du cumul des 30% et 50% auxquels il devrait avoir droit, soit une perte de 37,5% ;
-Un employé avec 19 ans de service ne perçoit que 75%, et non le cumul des 30% ; 50% et 75%, entraînant un manque à gagner de 52% ;
-Un vétéran avec plus de 20 ans de service ne reçoit que 100%, sans le cumul des 30% ; 50% ; 75% et 100% à partir de la 21ème année, ce qui représente une perte énorme de près de 60%.
Un cas emblématique : Un gardien à la CNSS a touché la même IDR qu’un cadre de la SNIM
Ce n’est un secret pour personne, il y a quelques années, un gardien à la CNSS est parti à la retraite, après plus de 39 ans de bons et loyaux services. Un syndicaliste a constaté qu’un cadre retraité de la SNIM, ayant la même ancienneté, a touché quasiment les mêmes droits de départ à la retraite que le gardien susmentionné. Cet exemple est symptomatique de l’inadéquation de la formule de calcul appliquée par la SNIM, sachant qu’un cadre à la SNIM touche un salaire très élevé, sans commune mesure avec celui d’un gardien à la CNSS.
Cette situation a conduit à une judiciarisation massive des litiges. Depuis 2010, les tribunaux de Nouakchott sont engorgés par près de 2000 plaintes émanant des retraités de la SNIM, entachant l'image de cette entreprise pourtant présentée comme un pilier de l'économie nationale.
L'appel du Président El Ghazouani pour le tourisme montre la voie d'une Mauritanie unie autour de projets fédérateurs. Le même élan est aujourd'hui nécessaire pour défendre les droits des travailleurs, véritables artisans de la richesse nationale.
Il est urgent que les opérateurs économiques, notamment les grandes entreprises comme la SNIM, alignent leurs pratiques sur la loi, à l'image de la SAMIA, pourtant filiale de la SNIM, qui a su trouver un terrain d'entente avec ses employés. Un appel présidentiel en ce sens serait un signal fort pour garantir que le développement économique du pays s'accompagne d'une justice sociale équitable pour tous ceux qui y contribuent par leur labeur. La valorisation du patrimoine touristique et le respect des droits des travailleurs sont les deux faces indissociables d'une Mauritanie prospère et unie.