
Lundi, le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a inauguré en grande pompe la septième édition du Salon Mauritanide 2025, organisé au Palais des congrès « Al Mourabitoun » sous le slogan convenu : « Mauritanie, Terre des opportunités ». Trois jours d’expositions, de discours et de panels sont prévus pour « mettre en lumière » les richesses énergétiques et minières du pays. Mais derrière la mise en scène bien rodée et l’alignement de slogans officiels, une question demeure : qu’est-ce que ce rituel rapporte réellement à la Mauritanie ?
Une ouverture aux allures de théâtre politique
La présence du Chef de l’État, accompagné d’un défilé de ministres, de diplomates et de dirigeants d’entreprises étrangères, a donné à l’événement une importance symbolique. Le ministre des Mines et de l’Industrie, Thiam Tijani, n’a pas manqué d’enfler les superlatifs : « ressources immenses », « modernisation », « durabilité ». Autant de mots qui se répètent d’année en année, sans jamais se traduire en amélioration tangible pour les Mauritaniens.
On glorifie des ressources « qui auraient porté le développement national depuis des décennies », alors même que le pays affiche encore une économie fragile, dépendante de la rente minière brute et étranglée par l’absence de transformation industrielle locale.
Un secteur privé fantôme
Le patron des patrons a rappelé que le secteur privé serait « le moteur du développement ». Mais lequel ? Celui qui vit sous perfusion des marchés publics attribués par connivence ? Celui qui se limite à des activités de sous-traitance à faible valeur ajoutée ? La réalité est que le secteur privé mauritanien reste étroit, peu compétitif et incapable de s’imposer au-delà de quelques niches, faute d’un environnement réellement transparent et d’une justice indépendante.
Même l’appel du président de l’UNPM à « localiser les ventes des ressources naturelles » révèle une contradiction criante : comment prétendre bâtir une économie solide alors que, depuis des décennies, les revenus miniers et pétroliers échappent au contrôle du pays ? Le problème n’est pas seulement réglementaire, il est structurel : la Mauritanie reste une économie d’extraction, captive des intérêts étrangers et d’une élite qui se contente de gérer la rente.
Mauritanide ou l’art du trompe-l’œil
Les organisateurs continuent de présenter le salon comme une « plateforme stratégique ». En réalité, Mauritanide est devenu un défilé d’investisseurs étrangers, venus flairer des concessions juteuses, et de responsables nationaux pressés de signer des protocoles qui ne profitent que rarement au pays. La rhétorique de la « formation des compétences locales » et du « contenu national » a beau être répétée, elle reste un alibi qui masque l’absence de vision claire pour une industrialisation réelle.
Une illusion coûteuse
Dans un contexte où la pauvreté demeure massive et où les infrastructures de base peinent à suivre, il est indécent de voir l’énergie déployée pour un salon qui ne sert, au fond, qu’à renforcer l’image de quelques acteurs bien placés. Mauritanide ressemble de plus en plus à un spectacle annuel où l’on recycle les mêmes discours et où l’on entretient l’illusion d’un avenir radieux, pendant que la population attend toujours les retombées promises.
L’éloge convenu des partenaires étrangers
Les dirigeants de multinationales, de BP à CWP Global, se sont succédé pour louer « la stabilité du pays », « la qualité du partenariat » et « les perspectives prometteuses ». Un discours classique, presque obligatoire, dans ce genre de forum. Mais ces déclarations masquent une réalité moins reluisante : les grands projets énergétiques et miniers – gaz d’Ahmeyim, extension de la SNIM, projets d’hydrogène vert – sont d’abord conçus pour les marchés extérieurs. La part réelle qui reviendra à la Mauritanie en termes d’emplois, de transfert de technologie ou de retombées fiscales reste extrêmement limitée.
Un rendez-vous qui recycle les mêmes promesses
Chaque édition de Mauritanide ressemble à la précédente : mise en valeur d’un « potentiel immense », promesse de « diversification économique », appel à « développer le contenu local » et à « créer des compétences nationales ». Pourtant, après plus d’une décennie de salons, la Mauritanie reste à la périphérie des chaînes de valeur mondiales. Les ressources sortent brutes, les recettes échappent largement à l’économie nationale, et la dépendance aux fluctuations des cours internationaux demeure intacte.
Un show plus qu’une stratégie
Mauritanide 2025 confirme la dérive de ces grands forums : une vitrine de communication soigneusement mise en scène, destinée à rassurer les investisseurs étrangers et à offrir aux autorités un moment de prestige. Mais pour la population, les promesses de retombées économiques restent lettres mortes. Tant que le pays n’osera pas rompre avec ce modèle d’extraversion et de dépendance, « Mauritanie, Terre des opportunités » ne restera qu’un slogan creux, répété tous les deux ans sur fond de tapis rouge et de stands brillants.