Logement des enseignants : promesse sociale ou mirage politique ? | Mauriweb

Logement des enseignants : promesse sociale ou mirage politique ?

jeu, 11/09/2025 - 12:49

La ministre de l’Éducation a présenté, en Conseil des ministres, un projet de décret destiné à faciliter l’accès au logement pour les enseignants. Une annonce spectaculaire, chiffrée à 170 milliards d’ouguiyas sur 15 ans, qui s’inscrit officiellement dans la volonté de « revaloriser le statut de l’enseignant ». Mais derrière les chiffres et les promesses, beaucoup d’acteurs du secteur s’interrogent : s’agit-il d’une véritable réforme sociale ou d’un nouvel écran de fumée politique ?

Un plan séduisant sur le papier, mais sans garantie

Selon la ministre, 1 000 enseignants devraient bénéficier de l’aide chaque année pendant trois ans, avant d’élargir progressivement le dispositif à 1 700 puis 2 250 bénéficiaires par an. Des chiffres impressionnants, mais sans calendrier détaillé ni mécanismes de financement garantis. Dans un pays où les annonces gouvernementales se heurtent régulièrement à la réalité budgétaire, la méfiance est de mise.

Une aide partielle qui risque d’exclure les plus précaires

Chaque logement est valorisé à 7 millions MRO, dont 75 % seraient pris en charge par l’État, le reste étant payé par l’enseignant via une cotisation mensuelle de 972 MRU. Or, pour un corps enseignant dont une grande partie vit avec des salaires insuffisants pour subvenir aux besoins élémentaires, cette contribution est perçue comme une barrière supplémentaire. Beaucoup y voient une mesure qui risque de profiter avant tout aux enseignants déjà relativement stables, plutôt qu’à ceux qui en ont le plus besoin.

Des critères flous et une distribution à risque

La ministre a évoqué des critères tels que l’ancienneté ou le nombre d’enfants, mais sans précision. Un arrêté viendra plus tard fixer les règles. Pour les syndicats, c’est une faille inquiétante : « Nous savons par expérience que ce flou ouvre la porte au clientélisme et aux passe-droits », déplore un représentant syndical. La peur d’une gestion inéquitable, où l’appartenance politique ou les affinités personnelles pèseraient plus que l’ancienneté réelle, est bien réelle.

Un comité de gestion lourd et bureaucratique

Le projet sera géré par un comité interministériel et un comité technique, intégrant des représentants syndicaux. Mais cette gouvernance alourdie risque de retarder les décisions et de diluer les responsabilités. Dans un pays où les lenteurs administratives bloquent déjà de nombreux projets sociaux, ce montage institutionnel apparaît davantage comme une manière de repousser les échéances que comme une garantie d’efficacité.

Un décalage avec les urgences réelles de l’école mauritanienne

Enfin, de nombreux observateurs soulignent le décalage criant entre cette promesse de logements et les besoins urgents du système éducatif :

  • des salaires trop bas qui poussent certains enseignants à exercer des activités parallèles ;
  • des écoles délabrées où les élèves étudient encore dans des classes surchargées, parfois sans tables ni bancs ;
  • un manque chronique de manuels scolaires et de moyens pédagogiques, qui impacte directement la qualité de l’enseignement.

Face à ces priorités, consacrer une telle enveloppe au logement apparaît à beaucoup comme une fuite en avant : un symbole politique destiné à calmer les protestations syndicales plutôt qu’une réponse aux problèmes structurels.

 

 En définitive, si ce projet ne s’accompagne pas d’une réelle transparence, d’une gestion rigoureuse et surtout d’une revalorisation salariale et pédagogique, il risque fort de rejoindre la longue liste des promesses sociales non tenues, alimentant encore davantage la frustration des enseignants et la défiance vis-à-vis des autorités.