
Le Groupe de la Banque mondiale et le gouvernement mauritanien ont officiellement lancé, ce 11 décembre 2025 à Nouakchott, le nouveau Cadre de Partenariat Pays (CPP) 2026-2030. Un événement présenté comme stratégique, ambitieux et porteur d’espoir pour l’emploi, la croissance et la jeunesse. Mais derrière le vernis des communiqués bien huilés et des chiffres impressionnants, ce lancement soulève une question fondamentale : pourquoi un document aussi structurant pour l’avenir du pays a-t-il été présenté sans la presse nationale, sans débat public et dans un huis clos feutré ?
Un cadre stratégique… lancé sans regard critique
Tenue dans le confort feutré d’un hôtel de luxe, la cérémonie a rassemblé ministres, partenaires techniques et financiers, quelques représentants triés du secteur privé et de la « société civile ». La grande absente : la presse indépendante, pourtant principale interface entre les institutions et les citoyens.
Comment justifier qu’un cadre mobilisant plus de 1,15 milliard de dollars, engageant l’État mauritanien pour cinq années, soit lancé sans permettre aux journalistes de poser des questions, d’interroger les résultats des cadres précédents, ou d’exiger des comptes sur l’impact réel des financements passés ? Ce choix n’est pas anodin. Il traduit une volonté manifeste de contrôler le narratif, d’éviter toute contradiction, toute interrogation sur les échecs répétés des politiques soutenues depuis des décennies par les mêmes partenaires.
La SCAPP, éternelle référence… éternel échec
Comme à chaque exercice, le CPP est « étroitement aligné » sur la SCAPP 2016-2030. Une stratégie devenue incantatoire, citée mécaniquement dans tous les documents officiels, mais jamais sérieusement évaluée. Où sont les résultats tangibles de cette SCAPP après près de dix ans ? Où sont les emplois massifs promis ? Où est la transformation structurelle de l’économie mauritanienne, toujours dépendante de l’extractif, vulnérable aux chocs externes et incapable d’absorber une jeunesse nombreuse et désœuvrée ?
Le CPP 2026-2030 recycle les mêmes piliers – emploi, institutions, connectivité, résilience – sans tirer les leçons des échecs cumulés des CPP et CAS précédents, pourtant financés à coups de centaines de millions de dollars.
Des milliards engagés, des comptes absents
Le communiqué se félicite d’un portefeuille de 1 153,8 millions de dollars, détaillant projets, appuis budgétaires, garanties MIGA et interventions de l’IFC. Mais aucune ligne sur les résultats concrets obtenus : Combien d’emplois réellement créés ? Quelle amélioration mesurable des institutions ? Quels impacts sur la pauvreté, les inégalités territoriales, l’accès aux services de base ?
À force d’annoncer des montants sans bilan, la coopération internationale en Mauritanie donne l’impression d’une gestion comptable du développement, déconnectée du vécu des populations.
Une communication verticale, symptomatique d’un malaise démocratique
L’absence de la presse n’est pas un simple oubli logistique. Elle est révélatrice d’un rapport problématique à la transparence. Un partenariat censé renforcer les institutions commence par contourner un pilier essentiel de toute institution démocratique : le droit à l’information.
En acceptant ce format fermé, la Banque mondiale se rend complice d’une pratique devenue courante : annoncer, célébrer, communiquer… sans jamais confronter les discours aux réalités, ni ouvrir l’espace public à la contradiction.
Un partenariat qui parle d’emplois, mais pas aux citoyens
Ironie ultime : ce CPP prétend « libérer le potentiel de la jeunesse », tout en excluant les canaux qui permettent à cette jeunesse de comprendre, questionner et juger les politiques menées en son nom.
À ce rythme, le Cadre de Partenariat Pays risque de rester ce qu’ont été beaucoup de stratégies avant lui : un document de plus, bien financé, bien communiqué, mais sans appropriation nationale réelle.
Un partenariat crédible ne se construit pas dans le silence des salons d’hôtel. Il se construit dans la transparence, le débat public et l’acceptation de la critique. Tout le reste n’est que communication institutionnelle.

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