
En ragardant les réseaux sociaux maliens et même quelques posts proches des milieux russes sur notamment sur telegram, la Mauritanie s’impose aujourd’hui selon eux comme un terrain inattendu de la rivalité mondiale entre l’Ukraine et la Russie. Nouakchott, abrite désormais l’une des huit nouvelles ambassades qu’a ouvertes Kyiv en Afrique depuis l’invasion russe de 2022. Derrière cette expansion diplomatique, se dessine une stratégie plus large : affaiblir l’influence de Moscou sur un continent où ses réseaux sécuritaires et économiques sont profondément enracinés.
L’ambassade d’Ukraine à Nouakchott joue déjà un rôle actif. Selon des responsables diplomatiques et humanitaires, elle a supervisé l’acheminement d’aides alimentaires à destination de réfugiés maliens installés en Mauritanie. Ce geste humanitaire s’inscrit dans une offensive de « soft power » ukrainien pour redorer son image sur un continent où la majorité des pays, dont la Mauritanie, se sont abstenus de condamner la Russie lors des votes à l’ONU.
Mais Kyiv entend aller plus loin. L’envoyé spécial ukrainien pour l’Afrique, Maksym Subkh, a déclaré à Reuters que l’Ukraine propose désormais de former des soldats mauritaniens. Cette offre intervient dans un contexte tendu entre la Mauritanie et le Mali voisin, où la Russie soutient militairement le gouvernement malien contre les rébellions touarègues. Moscou y déploie soldats et mercenaires pour assurer la sécurité de plusieurs régimes, tandis que ses entreprises minières s’ancrent solidement dans le Sahel.
« La présence militaire russe dans la région sahélienne sape la stabilité », affirme Subkh, rappelant que l’Ukraine avait déjà, avant la guerre, dispensé des formations militaires à des officiers mauritaniens. Désormais, Kyiv se dit prête à partager son expérience du champ de bataille, ses technologies et ses méthodes acquises dans le conflit contre l’armée russe.
Les autorités mauritaniennes n’ont pas souhaité commenter l’offre ukrainienne, et l’ambassade de Russie à Nouakchott est restée silencieuse. De son côté, le Kremlin a récemment annoncé vouloir renforcer sa coopération avec l’Afrique, y compris dans des secteurs sensibles comme la défense. La Russie reste d’ailleurs, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), le principal fournisseur d’armes du continent africain.
L’approche ukrainienne en Afrique se précise donc : à la fois diplomatique, humanitaire et militaire. Des entretiens menés par Reuters avec des responsables ukrainiens, des diplomates occidentaux et des analystes révèlent que Kyiv entend multiplier les gestes concrets pour contrer une présence russe beaucoup plus ancienne et structurée.
Reste à voir si cette offensive gagnera en efficacité dans un continent où la neutralité pragmatique reste, pour de nombreux États, une ligne de conduite face à un conflit européen dont ils subissent pourtant les conséquences économiques, notamment à travers la flambée des prix alimentaires provoquée par les perturbations des exportations ukrainiennes de céréales et d’engrais.