Élevage en Mauritanie : 500 000 dollars, un aveu d’échec pour un potentiel sacrifié | Mauriweb

  Élevage en Mauritanie : 500 000 dollars, un aveu d’échec pour un potentiel sacrifié

lun, 28/07/2025 - 20:18

Ce lundi, le ministre du Développement animal, Mokhtar Guaguih, a signé un projet de 500 000 dollars avec la FAO pour « soutenir le système pastoral dans le Hodh El Chargui ». Financé par la coopération japonaise, ce programme est censé bénéficier à quelque 4 000 éleveurs à travers des formations, un appui à la santé animale et des conseils de gestion des pâturages. Le projet signé ce lundi apparaît ainsi comme un pansement sur une plaie ouverte. Avec 125 dollars par éleveur, le programme ne peut guère prétendre changer quoi que ce soit de structurel. Il relève davantage de la communication diplomatique que de la stratégie de développement.

Une signature qui en dit long… sur l’inaction

À première vue, ce nouvel accord pourrait passer pour une initiative bienvenue. Mais dans le contexte actuel, il symbolise surtout l’échec retentissant des engagements pris à Timbédra. Que reste-t-il des grandes annonces de 2024 ? Où sont passés les financements bancaires promis ? Qu’est devenu ce fameux « fonds de développement » ? Et pourquoi un ministre se déplace-t-il personnellement pour signer un micro-projet d’à peine un demi-million de dollars, censé couvrir une région aussi vaste et stratégique que le Hodh El Chargui ?

Ce geste ministériel, en réalité, trahit une absence flagrante de vision et d’ambition. Il illustre le gouffre grandissant entre les déclarations politiques et la réalité des actes. Car en Mauritanie, ce ne sont ni les ressources, ni le cheptel, ni l’expertise pastorale qui manquent — c’est la volonté d’en faire un levier national structurant.

Il y a un peu plus de quatre ans, à Timbédra, ville emblématique du pastoralisme mauritanien, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani assistait en personne à un Forum national sur l’élevage. À cette occasion, les déclarations d’intention des hommes d’affaires et notamment du premier d’entre eux Zein Abidine Ould ahmed Mahmoud se sont multipliées : création d’un fonds de promotion du développement de l’élevage, engagements des banques pour financer les richesses animales, appels à la concertation et à la planification durable, promesses d’investissements structurants. Ce jour-là, les hommes d’affaires mauritaniens et les représentants de l’État semblaient enfin s'accorder sur une chose : l’élevage devait devenir un moteur de croissance économique et un pilier de la sécurité alimentaire nationale.

Mais depuis, plus rien. Ou presque.

Un potentiel immense, toujours ignoré

La Mauritanie dispose d’un des plus grands cheptels d’Afrique de l’Ouest, d’une culture pastorale profondément ancrée, et d’une position géographique stratégique pour les échanges sous-régionaux. Et pourtant, le pays importe toujours une large part de sa consommation laitière et carnée, faute d’infrastructures, de transformation industrielle, de réseaux de distribution modernes ou de politiques incitatives efficaces.

Des partenariats sans bilan, une stratégie sans suite

Depuis des années, la FAO multiplie les conventions et ateliers en Mauritanie. Mais quels en ont été les effets tangibles ? Les projets se succèdent, mais les résultats restent invisibles. Aucune évaluation publique, aucun audit indépendant, aucun retour systémique. Le secteur reste enlisé dans les mêmes difficultés : dépendance aux aides extérieures, gestion improvisée, et absence de leadership institutionnel.

Conclusion : le pays mérite mieux qu’un simulacre de politique

Le contraste entre les promesses flamboyantes de Timbédra et l’annonce modeste de ce lundi est saisissant. Il résume à lui seul le vide stratégique dans lequel est maintenu le secteur de l’élevage en Mauritanie. Il est temps d’arrêter de masquer l’inaction par des conventions cosmétiques. Le pays dispose d’un potentiel pastoral immense, capable non seulement de nourrir sa population, mais aussi de créer des emplois, de générer des exportations et de transformer les équilibres économiques régionaux.

Mais pour cela, encore faut-il un État qui ose investir, planifier, et rendre compte. À défaut, les éleveurs continueront à attendre – et à survivre – pendant que les ministres signent des projets à faible impact sous les flashs des caméras.