
Ce lundi 28 juillet 2025, l’Assemblée nationale mauritanienne a procédé au renouvellement statutaire de ses instances internes, avec l’élection des vice-présidents, des secrétaires, du gestionnaire financier et de la rapporteuse générale du budget. Un exercice routinier présenté comme une formalité démocratique. Mais à y regarder de plus près, cette opération ressemble davantage à une reconduction mécanique des équilibres existants qu’à une respiration démocratique.
Une majorité omniprésente, un pluralisme décoratif
Sur les 14 postes renouvelés, le parti au pouvoir, El Insaf, s’adjuge à lui seul 9 sièges, dont le poste de premier vice-président, trois autres postes de vice-présidents, le poste de Questeur, et pas moins de trois postes de secrétaires.
Cette mainmise écrasante traduit une réalité peu reluisante : la majorité continue de confondre gestion institutionnelle et logique partisane. L’Assemblée nationale, censée incarner le pluralisme, devient un prolongement de l’exécutif, verrouillant toute possibilité de contre-pouvoir réel.
Certes, les partis d’opposition ou apparentés (Tawassoul, le Mouvement pour la justice et la démocratie, Sawab) ont sauvé les apparences en obtenant quelques postes, mais toujours marginaux. Des strapontins plus symboliques que stratégiques.
Une reconduction sans débat ni surprise
Le renouvellement s’est déroulé sans heurts, sans véritable débat, sans même que ne soient évoqués les défis structurels de la législature : absence de contrôle parlementaire fort, transparence budgétaire défaillante, absence d’interpellations sérieuses sur la gestion publique.
Dans un pays confronté à des enjeux majeurs — chômage endémique, détérioration des services publics, insécurité alimentaire —, l’Assemblée nationale aurait pu profiter de ce moment pour poser les bases d’un changement de méthode, en élisant des profils engagés, critiques, et représentatifs de la diversité sociale et régionale du pays. Il n’en fut rien.
Un simulacre de renouvellement
Le plus frappant dans cette nouvelle composition est l'absence totale de figures nouvelles ou issues de la société civile, ou encore de personnalités connues pour leurs prises de position indépendantes. On retrouve plutôt un entre-soi politique, une reproduction des mêmes alliances, des mêmes calculs, des mêmes équilibres de façade.
Ce prétendu renouvellement reflète un immobilisme institutionnalisé, où les sièges sont redistribués entre les factions du même échiquier, sans débat public, sans enjeux démocratiques visibles, et sans ambition de réforme parlementaire.
Où est passée la promesse de rupture ?
Alors que le président de la République avait promis au début de son mandat une nouvelle ère institutionnelle, où l’État de droit et la responsabilité devaient devenir des priorités, les actes parlementaires ne suivent toujours pas ces ambitions. Le renouvellement du bureau de l’Assemblée, qui aurait pu symboliser un tournant, reste dans la continuité d’un système politique fermé, centré sur la reproduction du pouvoir, et sourd aux attentes d’une société en mutation.
Conclusion : une formalité politicienne de plus
Le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale ne constitue ni une surprise, ni un espoir. C’est un rite sans âme, vidé de son potentiel démocratique. Tant que cette institution ne sera pas conçue comme un véritable contre-pouvoir, avec une représentativité assumée et des figures capables d’exercer une critique constructive, elle restera une chambre d’enregistrement, plus utile au pouvoir qu’au peuple.
Mauritanie, encore une occasion manquée.
Voici la liste complète du nouveau bureau de l’Assemblée nationale mauritanienne élue le lundi 28 juillet 2025, avec une large domination du parti au pouvoir El Insaf :
Vice-présidents :
- 1er vice-président : Sydney Sokhna (Insaf)
- 2e vice-président : Ahmedou Mohamed Mahmoud M’Ballah (Tawassoul)
- 3e vice-président : El Hassan Cheikh Baha
- 4e vice-présidente : Ghlaywa Aman Lehdhana Insaf)
- 5e vice-président : Mohamed Vih Baraka Abah (Insaf)
Questeur :
- Babah Cheikhna Ahmed Babo ( Insaf)
Secrétaires du bureau :
- 1er secrétaire : Lemrabet Mohamed Mohamed (Parti El Adala)
- 2e secrétaire : Saadani Mohamed Khaitour ( Insaf)
- 3e secrétaire : Khalidou Samba Sow (AJD/MR – Alliance pour la Justice et la Démocratie/ Mouvement pour le Renouveau)
- 4e secrétaire : Mohamed El Mokhtar Sghir Embarek ( Insaf)
- 5e secrétaire : Nouha Ammar Abidine Sidi ( Insaf)
Rapporteuse générale du budget :
- Mariam Cheikh Samba Gueye (Parti Sawab)
9 postes sur 14 sont occupés par le parti El Insaf, confirmant sa position hégémonique au sein de l’hémicycle.
Les partis d’opposition ou minoritaires (Tewassoul, AJD/MR, Sawab, El Adala) n’obtiennent que des postes secondaires, sans capacité réelle d’influence sur l’agenda parlementaire.
Aucune figure indépendante, syndicale ou issue de la société civile ne figure dans cette nouvelle équipe, illustrant un verrouillage partisan du fonctionnement de l’Assemblée.
Ce bureau reflète un équilibre politique rigide, loin d’incarner la diversité sociale ou générationnelle du pays.