
Dans un pays qui borde l’océan et qui tire l’essentiel de sa richesse de ses ressources halieutiques, on aurait pu croire que défendre la mer serait un acte noble. Un acte encouragé, soutenu, honoré. Mais en Mauritanie, en 2025, il semble que ce soit devenu une faute. Pire : un délit. Ely Ould Bakar en est aujourd’hui l’illustration vivante – et tragique.
Ely Ould Bakar est un militant écologiste. Un vrai. De ceux qui ne se contentent pas de slogans. Depuis des années, il sillonne les quais de Nouadhibou, discute avec les pêcheurs, alerte les autorités, publie des vidéos pédagogiques, dénonce les abus des bateaux industriels, pointe du doigt les rejets toxiques et les violations répétées du code de la pêche.
Il n’a jamais bloqué une route.
Il n’a jamais commis de violence.
Il n’a jamais appelé à la révolte.
Et pourtant, aujourd’hui, il est derrière les barreaux.
Ce que l’on reproche à Ely n’a jamais été clairement expliqué publiquement. Et pour cause : il n’a rien fait d’autre qu’agir là où l’État aurait dû être en première ligne. Il a informé. Il a sensibilisé. Il a dérangé.
Il a parlé de cette mer qu’on vide, de ces filets dérivants qui raclent tout, de ces bateaux-usines qui exploitent sans relâche les côtes mauritaniennes avec des licences douteuses. Il a rappelé que les poissons ne se reproduisent pas dans un océan pollué. Que les communautés de pêche artisanale, marginalisées, sont les premières victimes d’un système de plus en plus opaque. Il a appelé à une conscience maritime collective.
Résultat ? Il est arrêté, détenu, réduit au silence.
Le cas d’Ely Ould Bakar devrait alerter. Il ne s’agit pas ici d’un simple différend administratif ou d’un malentendu passager. Sa détention envoie un message glaçant à tous les citoyens :
"Si vous dénoncez, vous paierez."
Alors que le monde entier célèbre les défenseurs de l’environnement, leur attribue des prix, leur ouvre les portes des conférences internationales, la Mauritanie enferme l’un des siens. Quelle ironie amère.
Dans un monde normal, Ely aurait reçu une médaille, un prix pour l’environnement, ou à tout le moins, une invitation officielle à la Journée de la mer.
Dans notre réalité inversée, on récompense ceux qui détruisent, et on emprisonne ceux qui alertent.
Mais Ely n’est pas seul. Et il ne doit pas être seul.
Nous sommes tous Ely !
Sa détention n’est pas qu’une injustice individuelle. C’est un test collectif. C’est notre rapport à la liberté, à la vérité, à l’engagement, qui est en jeu.
Si nous restons silencieux aujourd’hui, demain il n’y aura plus de vigies.
Il ne restera que l’indifférence… et la mer morte.
Gardons à l’esprit la célèbre citation du pasteur allemand Martin Niemöller : « quand ils sont venus les socialistes…. »
Libérez Ely Ould Bakar !
Il n’est pas un délinquant. Il est une conscience écologique.
Il est de ceux qui défendent, sans haine, un bien commun que nous devrions tous protéger.
Le silence ne sauvera pas la mer. Ely, peut-être.
Et avec lui, ce qu’il reste d’espoir pour une mer vivante.
MSS